Georges Canguilhem Quel scientifique a écrit l'article intitulé "Le Vivant et son milieu" ? Et, dans Le vivant et son milieu, il insiste sur le choix absolu qu’il faut faire entre, d’un côté, une objectivation physicaliste de la vie (comme res extensa) et, de l’autre côté, une idée du vivant comme « centre de référence » au sein de son milieu biologique. Pour Uexküll3: le propre du vivant c'est de "se faire" son milieu ; de se composer son milieu : Umwelt - le milieu est relatif au vivant qui le domine et se l'accommode. 2 0 obj L’univers tel que Uexküll l’interprète, est peuplé de sujets, sujets intentionnels à défaut d’être réfléchis et conscients des buts vers lesquels leurs comportements sont orientés ; ces sujets déploient autour d’eux des mondes composés de signes que, s’ils ne les ont pas à proprement parler produits, tirés absolument du néant, ils ont sélectionnés. Quelles sont ses caractéristiques ? C’est dans ce sens que Canguilhem a interprété la leçon de « résistance » qu’il avait reçue de Cavaillès. Les valeurs, qui sont en conflit entre elles davantage qu’elles ne sont en conflit avec les faits, ne sont pas des possibles idéaux, des formes rationnelles en attente de leur réalisation sur laquelle elles anticiperaient, et dont l’évocation obéit fatalement au mouvement rétrograde du vrai. La confrontation s’organise autour de deux thématiques abordées de manière centrale par les deux auteurs, l’une portant sur la physiologie, le problème du réflexe et les rapports entre le vivant et son milieu, l’autre sur les notions de normal et de pathologique. Sur le plan de la vie, s’il y a partout puissance de juger, c’est-à-dire de discriminer l’utile du nuisible, il n’y a pas de forme universelle du jugement posée en référence à des modèles idéaux du bien et du mal qui, considérés pour eux-mêmes, auraient une portée purement théorique et seraient susceptibles d’être rationalisés. <>>> En suivant l’histoire de cette notion, on rencontre des occurrences les plus contradictoires de celle-ci : on parle de « milieu intérieur » ou de « milieu extérieur », de « milieu propre » (centré comme tel sur une position de sujet) ou de « milieu naturel » (n’impliquant aucune position de sujet), etc. Lorsque, suivant sa méthode habituelle, Canguilhem a abordé le concept de milieu par le biais de l’histoire complexe de sa formation, c’est-à-dire aussi de ses transformations et de ses déformations, il lui a assigné à la fois des commencements et une origine. Devoir-être signifie alors, non plus imposer par la seule force de sa volonté de nouvelles normes d’existence allant dans le sens de son élargissement, mais avoir péniblement à être, à continuer à être, à persévérer dans son être, en tenant compte des multiples risques de perturbation provoqués les erreurs de la vie et les incertitudes du milieu, qui, les unes comme les autres, ne peuvent être ni ignorées ni contrées frontalement. Ainsi « le milieu est normal du fait que l’individu y déploie mieux sa vie, y maintient sa propre norme. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées. De ce point de vue, le préjugé anthropomorphique n’est qu’un avatar de l’ontologisme qui fait tout rentrer dans l’ordre du même. Penser, c’est donc en tout premier lieu, avant réflexion, juger, s’orienter, quitte à subir les conséquences de choix qui peuvent être, c’est même souvent le cas, malheureux, inappropriés. Ce qu’on appelle espace est pris entre ces deux manières d’exister : selon l’une, il déploie ses régularités sur un plan général, uniformément, nécessairement, sans privilégier aucun type d’être ou de comportement ; selon l’autre, il revêt des allures spéciales, diversifiées, orientées en fonction des besoins des sujets qui en font leur champ d’action. Dans son article "Le Vivant et son milieu", Canguilhem entend démontrer la spécificité de la notion de milieu rapportée au vivant. stream Jeudi, Jean-Paul Sartre / transparence et opacité de l’action : « Il est certain que nous pouvons réfléchir sur notre action. Nous en resterons là pour ce qui est de ce chapitre, en dépit de son grand intérêt théorique, afin de nous en tenir à ce qui fait l'objet principal du présent propos, à savoir l'exposé des thèses de Canguilhem sur le normal et le pathologique dans le vivant. Cette nouvelle approche de la notion de milieu est confirmée, sur le plan de l’éthologie animale par la distinction que fait Uexküll entre Umgebung (environnement géographique neutralisé) et Umwelt (monde centré sur un sujet d’initiatives mettant en œuvre ses valeurs propres), sur le plan de la géographie humaine par le « possibilisme »24 de Vidal de La Blache, sur le plan de la pathologie humaine par la réflexion de Goldstein au sujet du Kranksein, et sur le plan de l’ergonomie par les études que Friedmann a consacrées aux aspects proprement humains, non mécanisables, du travail industriel25 : les uns et les autres ont réorienté la conception du milieu dans le sens de son recentrement sur un sujet axiologique, à l’opposé de la tendance déterministe, objectivante et neutralisante, privilégiée par un rationalisme positiviste et scientiste. À l’examen, il apparaît que l’ensemble de l’œuvre théorique qui a été élaborée à partir de ce point de départ et sur sa lancée est restée continûment fidèle à cette « exigence » : ce n’est pas un hasard si ce mot, « exigence », qui traduit la puissance normative propre à un sujet assumant la pleine responsabilité de ses jugements, revient souvent sous la plume de Canguilhem. Le milieu propose, mais l’homme se fait son milieu. Dans la reprise paradoxale qui en a été effectuée par une certaine vulgate kantienne, elle indique, exactement à l’inverse, une opération de recentrement, qui replace le sujet au centre d’un monde : alors, ce dernier cesse d’être « le monde » en général et devient, en particulier, « son monde », celui qu’il recrée à sa mesure en utilisant les moyens qui lui sont fournis par son organisation mentale, sa « raison ». Ses commencements se situent factuellement sur la plan de la gnoséologie physique : c’est dans le contexte propre à la mécanique newtonienne, fondée sur le principe de l’action à distance récusé par le cartésianisme, que cette idée, qui a été ensuite transposée dans le champ de la biologie, a commencé à s’élaborer, puis s’est développée dans une perspective d’élargissement et d’extension. Choisir la voie du devoir-être pour s’orienter dans la pensée, c’est récuser l’autre voie possible, qui est celle de l’être et de ses intangibles nécessités contre lesquelles butent les exigences axiologiques, ce qui contraint ces exigences à se démettre en faveur de ces nécessités. Si les valeurs contestent les faits, ce n’est pas qu’elles aient la prétention de se substituer à eux : elles ne sont pas des faits de niveau supérieur, comme le professe le platonisme de premier degré qui soutient la doctrine cousinienne « Du vrai, du Beau, du Bien », une manière de voir à laquelle il est impensable que Canguilhem ait pu, par un biais ou un autre, se rallier. Lorsqu’il forge le concept d’Umwelt, Uexküll explique que « la biologie trouve accès à la doctrine de Kant qu’elle va scientifiquement exploiter dans la théorie des milieux en insistant sur le rôle décisif du sujet »36 : ce rôle décisif concédé au sujet revient à le placer au centre d’un monde qui est, à tous égards, « le sien », et ne peut en conséquence être représenté comme un ordre de réalité universellement diffus et englobant, espace neutre indépendant de la position du sujet qui l’occupe ou qui l’habite. Il serait donc inapproprié de soutenir que les espaces vitaux des hommes, des hérissons, et de toutes les autres espèces de vivants, se côtoient sans jamais se rencontrer, à la manière de locaux cloisonnés qui coexistent dans le cadre d’un immeuble collectif où, étant réunis, ils restent cependant définitivement indépendants les uns des autres : bien au contraire, la réalité effective des mouvements vitaux accomplis à l’intérieur de ces différents espaces est affectée par les diverses formes que sont exposés à prendre leurs croisements, à l’intérieur d’un monde où, en permanence, ils interfèrent ou risquent d’interférer. En conséquence, c’est dévaloriser l’animal pour valoriser l’homme au nom de la conception que celui-ci se fait de ses propres valeurs, alors que celles-ci sont étrangères à celles des autres vivants : « En somme la Descendance de l’homme aurait seulement opéré un coup de force dans la nomenclature. Voir également Canguilh em, Le Normal et le pathologique , 3 e L’historicité telle que Canguilhem la conçoit, suivant la leçon de Renouvier, c’est avant tout le sens du possible qui impulse un devenir : les valeurs qui confortent ce sens ne planent pas au-dessus du monde tel qu’il est, en se tenant en position de survol, elles ne prophétisent pas ; mais, en en suivant pas à pas les tours et les détours, en se glissant dans ses plis, elles en représentent la contestation interne. Chacun contribue à créer à l’autre son équilibre. La santé est précisément, et principalement chez l’homme, une certaine latitude, un certain jeu des normes de la vie et du comportement. » (. La puissance de juger s’exerce selon des types irréductibles les uns aux autres chez tous les vivants sans exception, – y compris les végétaux ; ces derniers, bien qu’ils ne disposent d’aucune mobilité ne sont pas tout à fait privés de sensibilité, donc ont, même si cette conscience n’est pas réfléchie et ne s’accompagne pas de conscience de soi, conscience de leur environnement dont ils ressentent la présence à travers les sollicitations venues de lui qu’ils perçoivent parce qu’elles ont un sens pour eux 32. Comme Canguilhem le montre tout à la fin de son article sur « Le vivant et son milieu », où, après avoir restitué l’histoire sinueuse suivie par l’idée de milieu de la fin du XVIIe siècle jusqu’au XXe siècle, il effectue un étonnant retour en arrière de deux mille ans, cette origine est stoïcienne : « C’est la théorie de la sympathie universelle, intuition vitaliste du devenir universel, qui donne son sens à la théorie géographique des milieux. C’est cette approche des processus de la cognition que Francisco J. Varela esquisse en se servant du concept d’«énactivité» : « Le monde n’est pas quelque chose qui nous est donné : c’est une chose à laquelle nous prenons part en fonction de notre manière de bouger, de toucher, de respirer et de manger […] Dans la démarche énactive, la réalité n’est pas un donné : elle dépend du sujet percevant, non pas parce qu’il le « construit » à son gré, mais parce que ce qui compte à titre de monde pertinent est inséparable de ce qui forme la structure du sujet percevant. la reproduction de la conférence « Le cerveau et la pensée », placée en tête du recueil des Actes du Colloque de 1990. C’est ce qui est nécessaire pour rendre compte de l’action à distance d’un corps sur un autre. Cette position est celle d’un évolutionnisme de premier degré, au point de vue duquel l’antérieur est automatiquement inférieur, et le postérieur supérieur. Marx pensait à quelque chose de ce genre lorsqu’il avançait, en vue de réduire les prétentions autotéliques de la raison, la thèse du primat de la pratique. 1 ITO Toyo, Tarzans in the Media Forest and other essays , Londres, Architecture Words 8, AA publications, 2011. 3 0 obj Préférer et exclure, en faisant la différence entre ce qui est estimé utile et le nuisible, manifestations élémentaires de la polarité de la vie, c’est exprimer des exigences, en rapport avec un devoir-être, donc, au sens propre du terme, juger, même si ce n’est pas en conscience et à bon escient. endobj Il s’agit, avec l’hétérologie d’une ad-jonction (Er-Gänzerung) positive de la thèse. Mais dans ce cas le problème de l’organisme serait simplement déplacé pour devenir le problème de cet environnement déterminé. Mais le cas des contraires est tout dissemblable. Georges Canguilhem annonce lors d'une conférence dans les années 1946-1947 que « la notion de milieu est en train de devenir un mode universel et obligatoire de saisie de l'expérience et de l'existence des êtres vivants »[1]. Ce type de spéculation, qui assimile le monde non à un mécanisme mais à un organisme, est orienté dans le sens d’une totalisation tournée vers le dedans, ce qui suppose un centre, et non plus dans celui d’une expansion indéfinie, tendanciellement décentrée, tournée vers le dehors, selon le modèle qui a fini par prédominer lorsque, à l’époque moderne, la représentation de l’univers infini a supplanté celle d’un cosmos fini et fermé sur lui-même. » (O. Hamelin, Rickert, « Thèses pour le système de la philosophie » (1932), trad. 19 Il n’est dès lors pas étonnant de voir Canguilhem rédiger dans La Connaissance de la vie un article intitulé « Le vivant et son milieu » dans lequel il va approfondir les avancées de son Essai en s’appuyant sur von Uexküll et Goldstein, qui constituaient déjà des Les champs obligatoires sont indiqués avec *. Le vivant : Problématique : Quelle est la spécificité du vivant ? Pour revenir au modèle du chêne, celui-ci ne se présente pas comme un immeuble à plusieurs étages dont les différents occupants seraient confinés dans des appartements séparés, et n’auraient l’occasion de se rencontrer, fugitivement et sans suite, que lorsqu’ils en empruntent les « parties communes ». À ce point de vue, il n’y a de milieu, comme il n’y a de sujet, que virtuels. Dans la pièce de Giraudoux, Electre, à laquelle cette parabole est empruntée, le mendiant qui la rapporte s’interroge sur le destin tragique qui amène les hérissons à traverser des routes où ils se font écraser. Canguilhem , Georges 1966 a Le normal et le pathologique , Paris , Presses universitaires de France . Il a recherché la pierre, et il a l’habitude de la rechercher. Au contraire la pensée de ce que nous appelons l’univers est par elle-même indéfinie, en sorte que, si étendues qu’on veuille supposer dans l’avenir nos connaissances réelles en ce genre, nous ne saurions jamais nous élever à la considération de l’ensemble des astres. b) S’introduire à la Cette formule, on le sait, peut être prise dans des sens opposés. En réalité il se fait sans cesse un choix parmi les événements du monde selon qu’ils « appartiennent » à l’organisme ou qu’ils n’appartiennent pas à l’organisme. À cela s’ajoute que ces valeurs, dont la position répond au mouvement même de la vie, n’ont pas le statut de formes définitivement structurées et précisément localisées vers lesquelles il n’y aurait qu’à faire retour : ce sont des tendances, qui, tournées vers l’avant, propulsent le donné dans le sens de sa transformation, sa « Veränderung » dirait-on dans le langage de Marx ; elles ne consistent pas en l’adaptation à des normes imposées du dehors mais en l’invention de nouvelles normes dont le style, le « schème » dirait-on dans le langage de Kant14, se précise au fur et à mesure de leur exercice. Cela est vrai de toutes les expériences de la vie sans exception, au nombre desquelles l’effort en vue de connaître objectivement la réalité qui définit en propre l’esprit scientifique : cet effort, bien loin de procéder d’une rupture avec le monde de la vie qui, une fois accomplie, permettrait de suivre, d’acquis en acquis, une voie uniment progressive répondant aux seules nécessités du raisonnement pur, n’avance que sous l’impulsion du conflit des valeurs, à travers la confrontation à des valeurs négatives, c’est-à-dire en surmontant sans cesse des obstacles ; l’histoire des sciences a précisément pour contenu cette interminable confrontation, dont elle restitue les incidences et les rebonds, en s’abstenant de supposer que ceux-ci conduisent quelque part et constituent, sur le modèle d’un chemin de croix spéculatif, les étapes menant à un terme définitif qui serait la vérité ultime et positive des choses. Milieu et vivant sont deux entités changeantes en relations étroites, et le vivant lui-même est un milieu et pas seulement un paramètre. L'article sur « Le vivant et son milieu » répond à une actualité que Canguilhem dénonce dès les premières lignes : « La notion de milieu est en train de devenir un modèle universel et obligatoire de saisie de l'expérience et de l'existence des êtres vivants et on pourrait presque parler de sa constitution comme catégorie de la pensée contemporaine (68). Or, il n’en est rien, comme on est amené à le constater lorsqu’on aborde la notion de milieu au point de vue de la connaissance de la vie, dans une perspective qui n’est plus abstraite et théorique mais concrète et pratique : en effet, il apparaît alors qu’il n’y a pas de milieu en soi, entièrement déterminé dans son être par des conditions naturelles, mais il n’y a de milieux que pour des vivants, en relation avec leurs besoins et leurs tendances qui ne cessent de les reconfigurer22. L’identité d’un tel sujet, qui n’est pas réductible à un état ou à un acquis, est elle-même tendancielle, c’est-à-dire qu’elle se constitue et se transforme au fur et à mesure que se déroule le cycle de ses interférences avec son milieu ; elle reste une virtualité qui demeure en permanence à mettre en œuvre34. La critique de l’ontologisme, qui, alimentée par la confrontation à des « matières étrangères » fournies en dernière instance par les diverses manifestations de la vie naturelle et sociale, donne son impulsion à la réflexion philosophique de Canguilhem, débouche elle aussi sur une conception qui fait fond sur le principe de la négativité et qu’il n’hésite pas à appeler à l’occasion « dialectique », quoiqu’elle diverge sur le fond par rapport à la conception hégélienne qui relève en dernière instance d’une philosophie de l’Esprit dont le fil conducteur est le finalisme, voie royale assurant le retour du même une fois toutes les différences surmontées : or, ce qu’on vient de désigner à l’essai en se servant de la formule « philosophie du milieu », – on pourrait aussi parler d’une philosophie « au milieu » –, se situe précisément en alternative à une philosophie de l’Esprit, tentative ou tentation réconciliatrice, dont Canguilhem n’a cessé de se démarquer4, ce qui, si on y réfléchit bien, est une façon de reconnaître implicitement, sinon son bien-fondé, du moins la puissance d’attraction qui, tel un phénix, fait interminablement renaître de ses cendres cette forme idéalisante de spéculation que constitue le spiritualisme, contre laquelle on n’a jamais fini de mener combat.
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